Mes 7 raisons pour dire « non »
En tant qu'associé chez Kima Ventures, « non » est la réponse que je donne le plus souvent aux entrepreneurs . Je peux me tromper, mais j'ai toujours mes raisons pour dire « non ». Et les voici...
« Non » est la réponse la plus fréquente que donnent les investisseurs aux entrepreneurs. Nous ne le faisons pas par plaisir mais par devoir. Les raisons peuvent être bonnes ou mauvaises, justes ou erronées, mais dans tous les cas, cette décision répond à une règle simple: l’investissement en capital risque contient 80% d’incertitudes, 20% de certitudes et 100% de conviction. Et s’il existait une recette pour ne pas se tromper et déceler les succès à coup sûr, je serais probablement aussi riche que mon boss… Bon peut être pas, quand même ;-)
L’important dans l’échec, c’est de comprendre pourquoi on s’est trompé, d’apprendre de ses erreurs et d’avancer, vite. C’est une règle pour tous les entrepreneurs, mais aussi pour les investisseurs. Changer d’opinion sur un marché ou une équipe est normal, car nous sommes dans un univers changeant et incertain, et qu’il est important de rester souple dans son jugement. Nous avons par exemple investi dans Nomnomnow, une startup qui livre des repas frais et équilibrés pour chien aux Etats-Unis. Pourtant, quelques semaines auparavant, je disais encore à un ami que jamais je n’investirai dans un business pour animaux et que j’en avais assez des startups qui se montaient autour de la nourriture… Quand j’ai raconté ça à Nate, le cofondateur de Nomnomnow, il m’a naturellement répondu : « Et moi je n’aurais imaginé, même dans mes rêves les plus fous, vendre à trente et quelques années de la nourriture pour chien…»
Il est important d’être rapide et consistent dans ces décisions, de dire “non” le plus tôt possible pour que personne ne perde son temps et pour ne pas subir son dealflow et son agenda. Il faut être à la fois direct et bienveillant et ne pas s’épancher pas trop sur les sujets du refus afin de pouvoir répondre à un maximum de monde. Cette règle n'est pas universelle et parfois on ressent le besoin ou l'envie de faire un retour plus long et structuré, mais il est impossible d'appliquer cette règle à toutes les start-ups. C’est aussi dans ce souci de rapidité et de transparence que nous avons lancé Kima Status (lire plus bas : E-mail, internet, Linked In… comment nous contacter ?).
La question qui revient souvent, c’est pourquoi dit-on « non » ?
Voici les 7 raisons pour lesquelles je passe sur un deal.
1. Je n’accroche pas avec l’équipe. J’évite de le dire, c’est quelque chose de personnel, on dit aux gens pourquoi on les aime, pas pourquoi on ne les aime pas ou pas plus que ça. Donc je préfère avancer une autre raison, toute aussi légitime cependant.
2. Je ne crois pas en l’équipe. Je peux me tromper lourdement et c’est un jugement présomptueux, personnel et qui peut être mal pris. Il m’arrive parfois de le dire quand je pense que ça peut être constructif, mais autrement je préfère passer mon chemin en avançant une autre raison.
3. Je ne comprends pas. Soit c’est le business, soit c’est le marché, soit c’est le pays ou la région que je ne connais pas assez bien. Il y a parfois des sujets qu’on ne comprend pas et qu’on ne souhaite pas creuser. C’est comme ça. Je passe donc mon tour.
4. Je n’aime pas le secteur ou l’activité. C’est une question d’appétence que je ne justifie pas toujours. C’est aussi ça la conviction, de l’intuition et de l’envie.
5. Ce n’est pas dans ma zone de confort. Je ne finance pas les boites de service ou les infrastructures par exemple. Je ne juge pas de la pertinence du business, c’est juste que ça n’entre pas dans mon radar.
6. Ce n’est pas ce que je recherche. J’aime bien les secteurs comme l’assurance, les services financiers, la programmation en langage naturel (natural language processing), la réalité augmentée, l’automobile… Mais je sais aussi, pas toujours exactement mais avec beaucoup de conviction, ce que je recherche dans ces secteurs… Si la boite en question ne répond pas à mes critères, je passe.
7. Je m’interroge trop sur un aspect du dossier. Ça peut être sur le marché, la concurrence, le produit, le modèle économique… et les explications ne m’ont pas convaincu. Dans le doute, je n'investis pas.
Ce que nous faisons est simple : nous finançons des gens formidables qui sont capables d’apprendre très vite et d’exécuter brillamment sur des marchés à fort potentiel. Mais le piège, c’est que le succès n’est visible qu’à posteriori, une fois que ces entrepreneurs ont montré leur habileté à créer une entreprise remarquable, à attirer des talents, à grandir et à s’adapter à leur marché… Notre métier est à la fois incroyablement et terriblement humain, plein d’incertitudes et de contre-intuitions. 99,9 % d’entre nous n’auraient jamais mis un centime dans Uber, Skype ou Snapchat durant les premiers jours, semaines, mois… Et des centaines d’entreprises similaires à ces succès avaient déjà échoué auparavant. Alors pourquoi elles ?! L’équipe, le marché, le moment, la géographie, la stratégie, de nombreux facteurs rentrent en ligne de compte. C’est à la fois effrayant et très excitant de faire un métier aussi imprévisible.
Article sur Les Echos ENTREPRENEURS pour en savoir plus
Auteur Jean de la ROCHEBROCHARD